1835 : la révolte des Malés à Bahia au Brésil
Depuis sa découverte en 1500, le Brésil est devenu une plaque tournante du trafic d’êtres humains en Amérique du Sud. Entre 1600 et 1850 environ, 4,5 millions d’Africains réduits en esclavage ont été conduits au Brésil ; c’est dix fois plus que ce qui a été trafiqué en Amérique du Nord et beaucoup plus que le nombre total d’Africains qui ont été transportés dans l’ensemble des Caraïbes et de l’Amérique du Nord réunis. La révolte des Malês, esclaves noirs maitrisant la langue arabe, eut lieu les 24 et 25 janvier 1835,cette révolution est devenue légendaire.
De l’origine du mot « Malés »
Le nom «Malés» fait référence aux hommes noirs, qui sont un groupe de Noirs qui avaient un niveau culturel supérieur à celui des maîtres esclaves. De nombreuses études soutiennent l’affirmation selon laquelle le terme « Malés » est dérivé du mot « Mali » en Afrique. Ils affirment également que « Muslimi » ou « Musumirin » est dérivé du terme « musulman ».
Toutefois, selon les recherches menées par le professeur Jaoa Baptista dans son livre Islam e Neggritude, le terme « Malés » continue de susciter la controverse. En fait, le « Dictionnaire de la langue yoruba » contient le terme « Imale » désignant exactement le terme « musulman ». Tandis que Rolf E. Riechert considère ce terme comme une variété d’arabe «mu’alim» qui signifie «sage conseil».
Un peu d’histoire
En 1550, le Brésil devint un important importateur d’esclaves africains, faisant d’esclaves environ 38,3% de la population de Rio de Janeiro, sa capitale. Cette tendance se poursuivit avec près de quatre millions d’esclaves importés au Brésil au cours de sa période coloniale. Lors d’un recensement du Brésil en 2010, il a été constaté que «97 millions de Brésiliens, soit 50,7% de la population, se définissent maintenant comme des Noirs ou des métis… faisant ainsi de la majorité africaine pour les Afro-Brésiliens».
L’énormité de la traite des esclaves au Brésil était tellement profonde que la nation n’a pas réussi à mettre en place un mouvement anti-esclavagiste efficace, alors même que de nombreux autres pays dans le monde procédaient à des réformes révolutionnaires. Au cours des années 1700 et au début des années 1800, l’esclavage a été éliminé dans l’Empire britannique, en Amérique du Nord et en France. Le Brésil, cependant, comptait encore près d’un million et demi d’esclaves, le nombre de ses importations n’augmentant que de 5,7%.
C’est dans ce contexte que se déroule la révolte des Malés dont nous allons vous conter maintenant le récit.
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1835, une révolte de grande ampleur à Bahia
Nous sommes en 1835, l’esclavage est encore très répandu au Brésil. Les esclaves travaillaient toute la journée notamment dans les champs de canne à sucre, et ceci dans des conditions très difficiles notamment à cause de la chaleur.
C’est dans ce contexte qu’un groupe d’esclaves de Bahia décida de mener une révolte pour se libérer de leur condition de vie absolument inhumaine. Une des raisons était également religieuse : de confession musulmane, ces esclaves originaires d’Afrique noire ne voulaient plus qu’on leur impose de force une autre religion, à savoir la religion catholique. Ces esclaves, les Malês, furent environ 1500 à se soulever un jour de janvier 1835 pendant le Ramadan, mois sacré de la religion musulmane. Les principaux leaders de cette grande rébellion furent Manuel Calafate et Pai Inacio avec objectif de libérer l’ensemble de esclaves de Bahia.
Leur objectif était d’attaquer le camp qui contrôlait la ville de Bahia. Pour ce faire, il mirent en commun leur argent pour acheter des armes et ainsi se lancèrent à l’assaut du camp. Malheureusement, ils furent trahir par une femme qui put prévenir le camp avant l’assaut lancé par les Malês. Et vu leur infériorité numérique et en équipement, les malheureux esclaves furent massacrés à la fois par la police brésilienne mais aussi par des habitants de Bahia qui avaient été armés par la police, leur faisant craindre l’apocalypse si les Malês arrivaient à leur fin !
Le bilan sera terrible pour les insurgés : plus de 70 Malês furent tués et 200 comparurent devant les tribunaux brésiliens. Les châtiments furent divers : peine de mort, coups de fouet, bagne, expulsion vers l’Afrique. Beaucoup de ces pauvres esclaves subirent également d’affreuses tortures.
Vers la fin de l’esclavagisme au Brésil
La révolte des Malés de 1835, qui devait être libératrice, fut un terrible échec à première vue… Mais à première vue seulement… En effet, il s’agissait en réalité de la première étape vers la fin de l’esclavagisme au Brésil.
Suite à la révolte de Bahia, les dirigeants et les élites du régime en place purent mesurer qu’il planait une vraie menace sur le système esclavagiste actuel. Si la révolte de 1835 a échoué, de nouvelles ne manqueraient surement pas de venir dans les années ou les décennies suivantes. Ce n’était qu’une question de temps.
C’est finalement à la fin des années 1800 que les activités réformistes ont commencé à se développer dans les établissements d’enseignement supérieur. De jeunes avocats, étudiants et journalistes ont commencé à demander à leurs compatriotes brésiliens de suivre l’exemple de la libération des esclaves en Amérique du Nord. En 1873, Joaquim Nabuco commença sa lutte contre l’esclavage au Brésil en inspirant la formation de la Société brésilienne anti-esclavagiste. Il déclara qu’il n’y a pas de liberté ni d’indépendance dans un pays comptant un million, cinq cent mille esclaves! » La lutte pour l’abolition totale continua sous sa direction, et finalement, le 13 mai 1888, la famille impériale passa Lei Aurea, «La loi d’or», faisant du Brésil la dernière nation parmi les grands pays à avoir officiellement aboli l’esclavage.
La révolte des Malês est un épisode important qui a amené 50 ans plus tard à l’abolition de l’esclavage au Brésil. Cet épisode dramatique montre toute la barbarie dont peut faire preuve parfois l’homme. Il restera dans la mémoire le courage de ces esclaves qui se sont battus jusqu’au bout pour la liberté, alors qu’ils savaient très bien qu’ils n’avaient peu de chances de s’en sortir… L’esclavage a aujourd’hui pratiquement disparu de tous les pays du monde, mais il faut rester très vigilant pour ne pas retomber dans les travers de l’histoire.