Lembrança de Nosso Senhor do Bonfim da Bahia : les bracelets porte-bonheur de Salvador de Bahia

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J’ai eu la chance de visiter tout le brésil, mais à chaque séjour, mes pas me ramènent toujours dans la belle ville de Salvador, dans l’Etat de Bahia. Est-ce parce que je considère ma famille hôte comme une vraie seconde famille, parce que les plages y sont magnifiques, parce que pour faire la fête au Brésil, il n’y a pas meilleur endroit (selon moi), parce que mes papilles veulent encore goûter à sa gastronomie, … Des tas de raisons peuvent justifier cet attachement, mais ce qui m’émerveille à chacune de mes visites, c’est que je fais toujours de nouvelles découvertes. Tout récemment, j’ai par exemple eu la grande chance de découvrir les fameux « Lembranças de Nosso Senhor do Bonfim da Bahia ».

De quoi s’agit –il ?

Lembranças de Nosso Senhor

Non, ce n’est pas une nouvelle recette typique, mais des petits bracelets colorés qui se vendent partout à Salvador. A bien y réfléchir, j’en ai déjà vu dans d’autres villes du Brésil et lors de mes derniers séjours dans cette ville, mais je n’y ai pas prêté plus d’attention. Cette fois-ci, je compte corriger cette lacune, car voyant les habitants et les touristes avec ces bracelets autour de leur poignet, ma curiosité s’éveille.

Les membres de la famille chez qui je vis veulent bien m’en dire davantage, mais selon eux, pour que je comprenne l’importance de ce bracelet, je dois d’abord voir le lieu où tout cela a commencé : l’église de Nosso Senhor do Bonfim ou Notre Seigneur de la bon fin.

Retour à la source : l’Eglise de Nosso Senhor do Bonfim

Eglise de Nosso Senhor do Bonfim

Il faut se rendre sur la « Sagrada Colina » ou « colline sacrée » pour découvrir cette église où l’on pratique la religion catholique. A l’approche des lieux, une image me frappe de plein fouet : des milliers, voire des millions de petits bracelets colorés sont attachés aux grilles en fer de l’église et les couvrent presque sur toute leur surface. L’image est surprenante et les « fitinhas » ou « fitas » c’est-à-dire les bracelets, apportent une note de gaieté à cet édifice religieux à la façade assez classique.

La construction de l’église a été lancée en 1745 et elle ne fut achevée qu’en 1772. C’est un capitaine de la marine portugaise qui, au cours d’une forte tempête, fit la promesse que s’il survivait, il rapporterait au Brésil une image de sa dévotion. C’est ainsi qu’en 1754, quand la partie interne de l’église fut achevée, l’image fut transférée de l’église de la Penha jusqu’à l’église de Nosso Senhor do Bonfim à travers une longue procession. Une messe solennelle fut également organisée pour accueillir le saint patron de la nouvelle église et bientôt, de tous les Bahianais.

Eglise Nosso Senhor do Bonfim, entre religion catholique et syncrétisme

Eglise de Nosso Senhor do Bonfim

Quand on passe les fêtes de fin d’années à Salvador et qu’on y reste encore un peu après le jour de l’an, on voit les habitants se préparer à une grande festivité qui a lieu à l’église de Nosso Senhor do Bonfim. Il s’agit du lavage.

C’est un rituel syncrétique au cours duquel des Bahianaises en tenues traditionnelles lavent le parvis et les marches de l’église sur le rythme du candomblé et au son de cantiques africains. Cette tradition n’est pas née avec l’église, mais est apparue à partir de 1773 soit une année après l’ouverture de l’église.

Cette année-là, la fraternité des dévots laïcs ordonnèrent aux esclaves de laver l’église dans le cadre de la préparation de la fête dédiée au Seigneur do Bonfim. Cela s’est déroulé le deuxième dimanche du mois de janvier. La tradition a alors commencé à s’installer tant et si bien que les adeptes du candomblé ont associé le Seigneur do Bonfim à Oxala.

Face à cela, l’archidiocèse de la ville a interdit ce rituel à l’intérieur de l’église, mais a quand même permis aux Bahianaises de continuer leur tradition, mais seulement au niveau du parvis et des marches de l’église. D’ailleurs, pendant chaque lavage, les portes de l’église restent fermées, mais cela n’empêche pas la foule d’affluer.

Aujourd’hui, cette église est la plus traditionnelle de la ville. On lui attache également un symbole fort du syncrétisme religieux qui règne à Bahia.

Qu’est-ce que les fitinhas ont à voir avec cela ?

les fitinhas

L’histoire et la signification des bracelets sont étroitement liées à l’histoire de cette église et du syncrétisme religieux.

C’est en 1809 que le premier bracelet fut créé sous le nom de « Medida do Bonfim » à savoir « la mesure de la taille ». A cette époque, il mesurait déjà 47 cm soit la longueur du bras droit de la statue du Christ que l’on trouve sur l’autel de l’église et qui a été placée là vers le 18e siècle. Cette statue a été ramenée du Portugal.

Le bracelet était conçu avec un ruban en soie blanc tandis que les lettres que l’on peut lire dessus étaient brodées en fil d’or ou d’argent. Ceux qui en avaient à l’époque ne le portaient pas en guise de bracelet, mais de collier autour du cou. Souvent, ils y accrochaient une croix, une petite image sainte, une médaille ou d’autres objets qui pouvaient leur rappeler que leur vœu a été exaucé.

Cela signifie qu’à l’origine, on parlait plus de collier, essentiellement blanc et à caractère uniquement religieux. Ce n’est que plus tard que les couleurs vives sont apparues ainsi que l’identification des couleurs aux divinités afro-brésiliennes.

Les lembranças de Nosso Senhor do Bonfim reviennent en force

La tradition des rubans de Bonfim fut maintenue pendant des années, mais elle finit par s’éteindre petit à petit jusqu’à totalement disparaître durant la première moitié du 20e siècle.

Ce n’est que vers la fin des années 60 qu’ils réapparaissent à nouveau grâce aux hippies. Ces derniers ont effectivement ressorti le fameux ruban, mais au lieu de les porter autour du cou, ils se l’attachaient autour du poignet. Il va sans dire que le caractère religieux du ruban n’était plus vraiment présent, mais on continuait quand même à y voir une sorte de porte-bonheur.

Le bracelet devint alors un phénomène mode de l’époque et des versions artisanales apparaissent sous diverses couleurs et avec diverses inscriptions.

Quand les adeptes du candomblé pratiquant toujours le « Lavagem do Bonfim » le redécouvrent, ils récupèrent la tradition religieuse reliée au ruban, mais en l’accommodant au syncrétisme. Dès lors, on le surnomme le « ruban miraculeux ».

Les couleurs vives instaurées par les hippies sont maintenues, mais chaque couleur se réfère désormais à une divinité précise.

Les fitinhas donnent naissance à une industrie

rubans de Bonfim

Sous son nouveau design, les fitinhas et leur caractère mystique suscitent l’engouement, non seulement des Bahianais, mais de tous les Brésiliens et même des touristes.

Voyant cet engouement, de véritables industries se sont mis à en fabriquer en masse. Salvador n’était plus alors la seule à en proposer, puisqu’on en retrouve aussi à São Paulo. Ces fabrications industrielles ont toutefois fait polémique puisque les industries utilisaient des tissus trop résistants pour leurs rubans.

Or, la tradition et la croyance voulait que les bracelets soient assez résistants pour être portés assez longtemps, mais aussi assez souples pour qu’ils puissent se rompre d’eux-mêmes quand les vœux demandés seront réalisés. Avec les modèles industriels, on désespérait de voir les vœux s’exaucer tant la matière utilisée était résistante.

Des fitinhas authentiques

fitinhas authentiques

Pour remédier à cela, Salvador a décidé de revenir à la fabrication traditionnelle artisanale. Les modèles authentiques affichent ainsi les caractéristiques suivantes :

  • matière : en soie ou en coton
  • couleur : fond essentiellement blanc, mais avec des lettres pouvant être colorées
  • longueur : 47 cm contre 38 cm pour les imitations industrielles

Le seul bémol c’est que ces modèles coûtent plus chers et ne se vendent pas à tous les coins de rue comme les modèles industriels. Si on a un bon budget, on peut néanmoins faire l’effort d’acheter l’original qui fait la fierté des Bahianais. Vous pourrez ensuite acheter des imitations en guise de souvenir pour toute la famille ou pour vous-même.

Notez bien qu’il est actuellement tendance de porter plusieurs bracelets autour du poignet donc n’hésitez pas à associer au blanc d’autres couleurs vives. Cela vous fera plusieurs vœux en salle d’attente …

Comment porte-t-on le fitinha de Nosso Senhor do Bonfim ?

Autrefois, on le portait autour du cou. Puis quand les adeptes du candomblé s’en sont emparés, il faut désormais le porter autour du poignet, de préférence gauche, en le nouant trois fois. A chaque nœud, vous devez faire un vœu. Un bracelet équivaut alors à trois vœux.

Pourquoi exactement trois ? Parce que durant le lavage, les Bahianaises doivent faire trois fois le tour de l’église avant de laver le parvis et les marches. Chaque tour réalisé correspond à un vœu.

Certaines personnes ont font un bracelet de cheville.

Quand faut-il le retirer ?

La croyance veut qu’on porte le bracelet sans jamais le retirer. Il finira toutefois par se rompre de lui-même et quand ce moment viendra, cela signifiera que vos vœux ont été exaucés. Une fois le bracelet rompu, vous pouvez le garder, mais les Bahianais préfèrent l’accrocher aux grilles de l’église pour témoigner au monde que leurs vœux ont été exaucés et pour rendre hommage au Seigneur de la bonne fin.

Certaines personnes préfèrent, quant à elles, accrocher directement leurs bracelets aux grilles de l’église après les avoir achetés. Là encore, il est question de vœux, mais aussi de croyance en leur réalisation et de dévotion.

Que signifient les couleurs des bracelets ?

le fitinha de Nosse Senhor do Bonfim

Comme je le disais plus haut, chaque couleur de bracelet se réfère à une divinité de la religion afro-brésilienne et apporte son lot de bonheur. Ainsi, en fonction de vos souhaits, voici les informations à retenir :

  • le fitinha blanc : il se réfère au Dieu Oxala qui n’est autre que le Seigneur de Bonfim. On le considère comme le dieu de la sagesse.
  • le fitinha bleu clair : il se réfère à Yemanja, la déesse de la mer.
  • le fitinha bleu foncé : il se réfère à Ogum, le dieu de la guerre et du fer avec pour élément, les métaux.
  • le fitinha vert avec des lettres blanches se réfère à Ossaïn, le dieu de la médecine, des plantes et dont l’air est l’élément.
  • le fitinha vert avec des lettres noires se réfère à Oxossi, le dieu de la forêt et de la chasse. L’air est également son élément.
  • le fitinha rouge se réfère à Insã, déesse des tempêtes et du vent.
  • le fitinha rouge avec des lettres blanches se réfère à Xangô, dieu de la force et des roches. Ce dernier a pour élément la terre.
  • le fitinha jaune se réfère à Oxum, déesse de la beauté.
  • le fitinha orange se réfère à Inhasa, déesse du vent et du feu.
  • le fitinha violet qui vire parfois au bleu pâle, se réfère à Nanã Buruku considérée comme la femme d’Oxala. C’est la déesse âgée des marais qui a pour éléments la terre et l’eau.
  • le fitinha noir avec des lettres rouges se réfère à Exu ou Pomba Gira. Ce dernier est considéré comme le messager des dieux qui a le feu pour élément.
  • le fitinha noir avec des lettres blanches se réfère à Omulu, le dieu des maladies et qui a la terre pour élément.
  • le fitinha rose ou multicolore se réfère à Ibeji ou Erês. Ce sont les divinités jumelles de la dualité et de la naissance.
  • le fitinha dont la couleur du ruban et des lettres sont les mêmes se réfère à Oxumaré, le dieu du mouvement qui utilise l’air et l’eau comme éléments. Ce genre de bracelet se décline souvent soit en vert soit en jaune.

Et que signifie chaque couleur ?

le fitinha de Nosse Senhor do Bonfim

Maintenant que vous en savez davantage sur les Orixas (divinités) afro-brésiliennes, retenez le code couleur ci-après :

  • les bracelets bleus sont associés à l’amour
  • les bracelets rouges sont associés à la passion
  • les bracelets blancs sont associés à la paix
  • les bracelets jaunes sont associés au succès
  • les bracelets orange sont associés au bonheur
  • les bracelets roses sont associés à l’amitié
  • les bracelets verts sont associés à la santé
  • les bracelets violets sont associés à la spiritualité
  • les bracelets noirs sont associés à la dignité

Et pour ceux qui se demandent quelle inscription lit-on sur ces fameux rubans, sachez qu’ils portent tous la même inscription à savoir « Lembrança Do Senhor do Bonfim da Bahia », mais entièrement en lettres capitales.

 

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